Quand y en a plus, y en a encore

J'allais, tranquille, ma chevelure blonde flottant au vent et scintillant sous le soleil du matin, vers mon futur-ex-lieu de travail. J'étais de fort bonne humeur, ce qui m'avait poussée à accrocher un sourire au coin de mes lèvres généreuses. J'étais vêtue d'une jolie robe colorée qui épousait avantageusement mes formes. En bref, j'avais l'air d'un ange chu de ses nues et détonnant au milieu de cette sinistre zone industrielle.

C'est certainement ainsi que la vue de ce type en manque – de femmes autant que d'éducation – a déformé mon image, par ailleurs tout à fait banale.

Tel le loup déguisé approchant sans scrupule l'alléchant petit agneau, l'individu sus-mentionné m'aborda de manière tout à fait rationnelle en me demandant où se trouvait l'entreprise MachinTruc, chez qui, selon ses dires, il avait rendez-vous. Je connaissais l'entreprise MachinTruc, mais ignorais tout de sa localisation, ce dont j'avisai poliment l'intéressé.

Et puis, that escalated quickly... “Vous êtes d'ici ? On peut parler ? Vous êtes mariée ? Non parce que, je suis tombé amoureux de vous. Tu veux pas m'embrasser ? Allez, un petit bisou quoi. Viens j'te baise ici !”

Fort heureusement, j'atteignis ma destination à l'instant même où le mot “baise” franchit les lèvres gercées de ce grotesque personnage. Qui sait, sinon, quelle aurait été la prochaine étape de son discours...

Je repense à l'ordre précis de ses questions. Je suppose qu'il serait parti si j'avais été mariée – malheureusement pour moi, je n'ai ni la présence d'esprit de mentir, ni le savoir-faire adéquat. Est-ce à dire que cet esprit étriqué aurait eu plus de respect pour “la propriété d'un autre homme”, son égal, que pour une femme seule ? Dois-je comprendre par là que je suis plus ou moins une marchandise ? Et que, pour avoir la paix, une femme doit être placée sous la tutelle de quelqu'un d'autre ?

Deux fois en deux semaines... ça commence à me fatiguer, cette ignorance crasse.